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jeudi 8 décembre 2016

Bacalaureat @ Majestic Bastille

La revedere

On pourrait commencer par parler du Majestic découvert depuis peu à l'endroit où l'on pensait se diriger vers le Bastille. C'est-à-dire qu’on pourrait commencer par évoquer ces cinémas de la marge. Présents, absolument : vrai pas de porte, vrai guichet et vrais employés. Vrais fauteuils rouges, vrais écrans parfois un peu pétés, vrai public, vrais films. Mais cinémas qu’on ne voit jamais ou plutôt qui sont un de ces espaces accessibles à tous mais fréquentés par les passionnés, ou les perdus, les reclus, les fantômes des salles noires qui y vont pour dîner moins seuls, pour éprouver leur corps dans des respirations autres, pour savourer l’affaissement sombre de leur posture. Ça avait été Mademoiselle un dimanche soir terrible de fatigue pénible et solitaire. Et peu importe que le film soit concluant.

Là la Roumanie. Par l’intermédiaire d’une de ces amies sur lesquelles on peut compter pour faire tenir les choses du temps ensemble. Confrontation nécessaire à cette douleur innommable : que ce soit passé. Mais tout cela, en marge du film (quoique toujours ce qui se joue dans la relation au film : la marge, les échos lointains, intimes, hors de propos). La réalité du film qui ressemble à la réalité de la Roumanie mais qui s’accroche aux pupilles par des gestes simples comme celui d’éplucher une pomme (on sent la texture sous nos doigts propres, le jus qui pourrait apaiser nos langues, la fraicheur entre nos dents). Gestes qui en théorie d’ailleurs pourraient faire grincer ces mêmes dents mais qui à l’écran et tissés ainsi passent, marchent, percutent même. La Roumanie critiquée, la fraude. Le réseau. L’argent et les services et les liaisons. Ponctuation : la grande phrase. Les personnages qui sont réels tout à fait plausibles puisque les mêmes qu’une histoire connue et vue de près. Le cœur d’ailleurs se serrait à l’idée que finalement touchante. Mais la grande dalle de béton qui t’explose la gueule en ouverture : lumière tranchante. Le monde de l’aveugle est blanc, on l’a compris. Et les vitres qui se brisent, les silhouettes en suspens – le flou n’est que rarement un jeu. Chaque être insupportable, les principes et la vie qui ne tient pas à un foie mais à quelques polypes – non, finalement, une attaque cardiaque. Les responsables, les accidents. Et ces visages qui rappellent là encore comme souvent la peinture, la scultpure, l'archétype. Ce souvenir de la Roumanie qui revient: intersection. Tenir à l'endroit du croisement. Exister entre les flux. Folie slave, tragédie grecque, ruines permanentes. Fuir le vortex, absolument, jusqu'à se noyer dans l'idée même de la fuite. Qui n'est elle-même que le revers de la médaille des mères collantes qui veulent qu'on reste qui veulent suivre qui sont pompées, littéralement, qui sont gargantuesques et magnifiques. Ballet anthropophage splendide et subtil. 

Film amoureux de tout qui palpite, même en longueur, qui contamine. Quand est-ce que ça achoppe et qui s'occupe de quoi de qui? J'avorte quoi comment? Pleurons ensemble la mort du chien errant puis repartons. Qu'est-ce que ça change?


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